RIP les mails - Comment les “chats” vont changer votre façon de travailler

Vos collègues vous posent tous la même question ? Bientôt, les chatbots répondront à votre place. Les outils de conversation en entreprise comme Slack sont en plein développement, et ils pourraient rendre la vie des salariés bien plus facile. Comment ces nouveaux outils pourraient révolutionner le travail ?

Quand Satia Nadella, le CEO de Microsoft, lance  la conférence annuelle Build l’an passé, il évoque le nouveau paradigme que représente la messagerie pour l’informatique d’entreprise.

“La conversation comme plateforme est un concept simple mais avec un impact conséquent. Nous pensons que cet impact sera au moins aussi important que les changements de plateformes que nous avons déjà traversés."

Pour comprendre ce que l’on entend par “messagerie comme plateforme”, il suffit d’observer le succès de Slack. Un des chouchous de la Silicon Valley, Slack est un service de messagerie en cloud, qui permet en premier lieu aux employés d’une société de discuter entre eux, à la manière d’un Whatsapp professionnel.

La messagerie est déjà pleinement entrée dans les habitudes des consommateurs, puisqu’ils y consacrent désormais une large part de leur temps. Il est donc logique qu’une fois au bureau, ils utilisent des systèmes similaires pour communiquer avec leurs collègues.

Connecter d'autres applications

En plus de ces fonctionnalités de communication, l’architecture ultra ouverte de Slack permet d’y intégrer des applications tierces. Ainsi, via une intégration avec Salesforce, un membre du service marketing pourra recevoir des alertes et même effectuer des actions relatives au CRM directement depuis l’application de messagerie, sans être à chaque fois obligé d’ouvrir l’application dédiée.Ce sont aujourd’hui plusieurs centaines de services qui peuvent se connecter à Slack, des plus connus (Google Drive, Uber, Trello, Stripe) aux plus spécifiques (dans des domaines allant des RH au contrôle de gestion en passant par la gestion des locaux).

Slack vise ainsi à se positionner comme la porte d’entrée vers toutes les applications professionnelles, ce qui bien évidemment a rapidement inquiété Microsoft, qui règne encore en maître sur l’informatique d’entreprise. La firme de Redmond, après avoir un temps considéré le rachat de Slack, a lancé sa propre messagerie d’entreprise baptisée Microsoft Teams, qui reprend les principales fonctionnalités de son concurrent.Quel que soit le gagnant de cette bataille qui s’annonce, tout semble donc en place pour que l’informatique d’entreprise des années à venir soit bâti autour de ces plateformes de messagerie.

Des chatbots pour les collaborateurs

L’intégration des applications d’entreprise dans les environnements de messagerie passe souvent par la mise en place d’un chatbot dédié : une version allégée du service, accessible directement dans l’interface de chat. Par exemple, un bot CRM sera capable de répondre à quelques questions rapides comme “qui est notre contact chez nom_client ?” ou “combien de leads avons-nous levé le mois dernier ?”.Pour des questions ou des analyses plus poussées, l’utilisateur continuera à se rendre sur l’outil dédié, mais sinon il pourra obtenir des réponses rapides et gagner ainsi du temps.

L’usage de l’interface conversationnel permet également d’impliquer plusieurs collaborateurs car certains bots peuvent prendre part à des conversations de groupe : un manager, dans le cadre d’une conversation groupée entre tous les membres d’une équipe projet, pourra utiliser le chatbot de son soft de project management pour assigner des actions à des membres de l’équipe.Les interfaces conversationnelles peuvent même permettre de fluidifier les process internes de l’entreprise. Ainsi, quand un collaborateur effectue une demande de remboursement de frais, son manager recevra directement une notification lui indiquant qu’il a une note de frais à valider, et pourra même effectuer l’action sans quitter la messagerie.

C’est un service que propose par exemple Abacus, qui commercialise un service de gestion des notes frais, via son chatbot sur la plateforme Slack, et qui parlera certainement à tous les managers qui se sentent souvent débordés par les tâches administratives répétitives.

Gagner en productivité

Les interfaces conversationnelles en entreprise regorgent donc d’avantages en termes de gains de productivité. Toutes les données de l’entreprise vont devenir accessible par ce biais, celles-ci se dotant peu à peu de chatbots internes.Un collaborateur fraîchement débarqué dans l’entreprise pourra ainsi l’interroger sur “comment je fais pour poser un jour de congés ?” ou “c’est quoi le numéro de TVA ?” ou encore “il y a quoi à la cantine ce midi ?”.

Les progrès de la reconnaissance du langage naturel permettront également de capitaliser les connaissances : si un employé demande un jour à un collègue “on vend quoi comme taille de papier dans notre catalogue ?”, le système pourra écouter la réponse faite et l’apprendre, ajoutant ainsi cette information à sa base de connaissance. Si cette question resurgit, un chatbot tel que celui que propose Niles connaîtra la réponse et pourra la donner directement.

Un moyen d’enfin réaliser la promesse des wikis d’entreprise, qui avaient connu un engouement dans les années 2000, mais qui s’étaient heurté à un problème d’obsolescence rapide de l’information. Dans un secteur d’activité tel que la banque, un conseiller clientèle doit accéder à une multitude d’applications professionnelles, souvent en se reconnectant à chaque fois, pour trouver une information donnée.

Des réponses immédiates

Le conversationnel pourrait être d’une grande utilité, en répondant immédiatement à des interrogations telles que “à combien est le taux de nos prêts immo aujourd’hui” ou encore “quel est le process pour la création d’un compte pro pour un médecin ?”. L’essor des assistants vocaux participe également de cette tendance.Si pour le moment, les Google Home et autres Alexa (sans oublier Cortana de Microsoft) ont surtout envahi les living rooms des foyers américains, ils pourraient trouver une utilité dans l’entreprise. Un acteur comme Atlassian (concurrent de Slack et MS Teams avec son service HipChat) a déjà démontré le projet VoiceMyBot qui a pour objectif de doter Alexa de capacités à livrer des reporting sur l’activité de l’entreprise, mais aussi à réaliser des actions via commande vocale (« Alexa, redémarre le serveur »).

IBM a également montré l’utilisation de l’IA et de la reconnaissance du langage naturel pour la réalisation automatique des comptes rendus de réunion, tâche que pourrait donc à terme accomplir un assistant vocal dans le contexte de l’entreprise.Les entreprises peuvent dès aujourd’hui se lancer dans des démarches d’expérimentation pour valider l’appétence de leurs collaborateurs envers les services conversationnels, car il existe de nombreux outils sur le marché pour créer facilement des chatbots internes. La démarche à adopter devra cependant être humble et expérimentale, car le sujet, bien que promis à un bel avenir, est encore naissant.

Publié dans Les Echos